Je lance officiellement Les Chroniques littéraires d’Holi RH.
Parce que je lis énormément, au grand désespoir de mon porte monnaie. Cependant, lire c’est bien mais relier ses lectures au terrain, c’est encore mieux.
Une fois par mois, je décortique un ouvrage qu’il parle de RH, management, organisations, innovation ou développement personnel pour en extraire ce qui peut vraiment nourrir nos pratiques.
Ces chroniques, c’est ma façon de faire le tri dans le bruit, de traduire la théorie en action et de rendre la réflexion “stratégique” accessible à celles et ceux qui pilotent, structurent ou accompagnent les équipes au quotidien.
C’est une respiration intellectuelle mais toujours ancrée dans le réel. C’est aussi ma manière à moi de vous transmettre mes connaissances, mes compétences et ma culuture RH.
Aujourd’hui, je vous parle du livre : Le SAV des managers de Fabienne Broucaret & Aurélie Durand
Analyse du livre et avis
Depuis six ans, j’accompagne et forme des responsables RH, des managers de proximité et des cadres dirigeants. Dans les environnements techniques et exigeants, les managers sont confrontés à des situations humaines complexes, souvent sans mode d’emploi.
Et je dois vous partager une réalité que beaucoup d’experts connaissent déjà : il existe trois grandes façons de fabriquer de “mauvais” managers.
1. Promouvoir un excellent technicien
Ce n’est pas parce qu’une personne excelle dans son métier qu’elle saura embarquer, motiver, fédérer et révéler son équipe.
Pourtant, dans de nombreuses entreprises la promotion naturelle consiste à transformer un expert métier en manager.
2. Imposer le management comme seule voie d’évolution possible
En France, être manager reste trop souvent le passage obligé pour progresser, se développer ou obtenir reconnaissance et rémunération.
On privilégie très rarement la mobilité horizontale.
Résultat : nous créons des managers qui voulaient surtout évoluer, aspiraient à davantage de reconnaissance ou cherchaient simplement une augmentation.
3. Livrer les managers à eux-mêmes
Depuis quatre ans, les coachs en leadership, intelligence collective et facilitation se multiplient.
Ce n’est pas un hasard.
Pourquoi me direz-vous ? et bien parce que nombreux managers sont livrés à eux-mêmes ! Le schéma classique consiste à :
- une formation théorique
- aucune immersion
- pas de coaching individuel
- absence de boîte à outils concrete
- et surtout pas de communauté pour les soutenir
Beaucoup apprennent sur le tas, au prix d’erreurs, de tensions, voire d’épuisement pour eux comme pour leurs équipes.
Pourquoi j’ai choisi ce livre
Quand je l’ai vu passer sur LinkedIn, je l’ai acheté immédiatement.
La promesse était simple et concrète, exactement ce que j’aime : un livre pratico-pratiques qui parlent du vrai quotidien des managers.
Et surtout, je me suis dit qu’il allait enrichir mes formations en management. Même si je suis déjà bien outillée sur le sujet, j’aime faire de la veille, changer de point de vue et nourrir mes réflexions.
L’idée centrale du livre
Un ouvrage conçu pour alléger le quotidien des managers en décodant de vraies situations et en proposant des pistes de réflexion et des débuts de solutions.
3 idées clés à retenir
6 thématiques de la vraie vie :
– Je prends mes fonctions,
– je pense à moi,
– je joue en équipe,
– je manage des profils différents,
– j’évolue dans un monde complexe,
– je rencontre des difficultés dont je n’ose pas parler
Une structure pensée “action” : une situation vécue, un coaching express, un changement de regard, un premier pas pour avancer, des questions à se poser et un éclairage d’expert.
Un livre à picorer plutôt qu’à dévorer : Ce n’est pas un roman : on ne le lit pas d’un trait.
On peut piocher dans le sommaire la situation qui nous parle, selon notre actualité managériale du moment et c’est ce qui fait sa force.
Mon regard critique
Je l’adore parce qu’il est très concret !
En revanche, j’aurais aussi ajouté une thématique sur la gestion “vers le haut” :
- gérer la relation avec sa direction
- composer avec une culture d’entreprise
- orchestrer la relation avec la fonction RH
Et il manque selon moi deux situations très fréquentes sur le terrain :
- manager quelqu’un qui voulait être promu à ma place
- manager un.e collaboratrice.eur qui a 20 ans de boîte quand moi, je ne les ai pas
Dernier point : j’aurais aimé trouver des QR codes vers des outils. Lorsque j’étais salariée, nous avions créer un guide de recrutement à destination des recruteurs et managers dans lequel il y avait des QRcodes qui renvoyaient à une boîte à outils opérationnelle.
Ce que ça m’inspire pour le terrain
C’est un livre que je peux utiliser comme déclencheur en animation. Un peu comme un icebreaker.
Plutôt que de le “enseigner”, je l’imagine comme un support, pourquoi pas en Kahoot, pour ouvrir des discussions, faire réfléchir les managers sur leurs propres situations ou leur proposer de comparer leurs pratiques avec celles décrites.
En résumé, ce livre stimule ma pédagogie : il me pousse à rendre encore plus concret ce que je transmets et à aider les managers à se créer une boîte à outils qui leur ressemble.
Une phrase à retenir
« Nous vivons dans un océan d’informations et un désert de feedback » – Stéphane Morio
Le zoom d’Holi RH
Ce zoom d’Holi RH s’appuie sur mon expérience de terrain auprès de managers, de directions et de services RH confrontés à des situations managériales complexes.Mon parti pris est clair : dépasser la lecture individuelle des difficultés pour analyser ce qui relève des systèmes, des postures et des jeux d’acteurs.
L’objectif n’est pas de désigner des responsables, mais de redonner de la lisibilité et des leviers d’action aux managers.
L’ennemi n°1 des managers : la direction & les ressources humaines
Beaucoup d’ouvrages de management se concentrent sur la relation manager / collaborateur, c’est effectivement le nerf de la guerre !
Cependant, les difficultés managériales sont souvent amplifiées ou générées par la couche supérieure : direction, culture, RH, jeux de pouvoir implicites, les guerres d’ego.
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Un manager qui doit affirmer son autorité… sans que sa direction la légitime
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Des injonctions paradoxales : “sois autonome” mais “ne décide pas sans validation”
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Des décisions RH imposées sans explication, que le manager doit porter et défendre
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Une culture implicite forte que personne n’a verbalisée
Pour cela, le.la manager doit négocier des marges de manœuvre, obtenir des messages alignés, clarifier ce qui lui appartient et ce qui appartient à la ligne hiérarchique et être soutenu par la direction et le service RH.
C’est encore plus difficile lorsqu’on évolue dans : un grand groupe, une organisation multi-sites, ou un siège éloigné du terrain où les membres du CODIR sont loin des réalités opérationnelles. Et lorsque des actionnaires ajoutent leurs attentes au système, la pression se démultiplie.
Deux situations ultra-fréquentes chez mes clients – à ajouter au livre
Manager quelqu’un qui voulait être promu à ma place
L’enjeu : sentiment d’injustice, loyautés brisées, comparaison permanente, remise en cause des décisions
Ce n’est pas juste une question de compétences mais de deuil professionnel.
Le défi : permettre à la personne d’exister, sans tolérer la résistance silencieuse.
Ce que je vois sur le terrain : sans accompagnement, cela crée :
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passivité hostile
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sabotage discret
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coalition avec d’autres collaborateurs contre le manager
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fuite ou burn-out de la personne frustrée
Solutions possibles
Avant tout, le manager doit revenir à la source : clarifier la décision avec la direction. Plutôt que d’improviser, il est essentiel de demander : « J’aurai à accompagner plusieurs réactions, notamment celle de X qui s’était positionné. Pourriez-vous me préciser les critères qui ont conduit à votre choix afin que je puisse en parler de manière juste ? »
Ensuite, la direction et/ou les RH doivent porter une partie du message. Le manager ne peut assumer seul ce sujet : il faut que sa hiérarchie reconnaisse la candidature non retenue, normalise la décision et visibilise le soutien apporté à la nouvelle fonction. Sans cela, le manager est exposé.
Vient alors le cœur de la conversation : nommer l’émotion. « Je sais que tu t’étais positionné(e) pour ce poste, et je comprends que tu puisses ressentir frustration, déception ou injustice. » Mettre des mots légitime les émotions de la personne et désamorce la résistance silencieuse.
Puis, réaffirmer le cadre relationnel : « Aujourd’hui, la décision appartient à la direction. Nous devons avancer ensemble et j’ai besoin de ton soutien. » On reconnaît le vécu tout en rappelant l’attente.
Quand cela est possible, donner de la place. Confier un rôle, un projet, ou un périmètre d’expertise pour maintenir la dignité et l’estime professionnelles. Par exemple : « Ton expérience est précieuse sur X, j’aimerais que tu sois référent(e) sur ce volet. »
Manager quelqu’un avec 20 ans d’ancienneté quand moi, je ne les ai pas
L’enjeu : légitimité perçue vs légitimité réelle
Dans cette configuration : l’expertise vécue prend le dessus, l’autorité hiérarchique est contestée de manière passive : “Tu es qui pour me dire comment faire ?”
Le défi : ne pas basculer dans la rigidité ou l’évitement
Ce que j’observe : sans cadre :
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la tension se cristallise
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le manager se surinvestit pour prouver qu’il est légitime
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le collaborateur finit par être mis de côté volontairement (et à son initiative) ou à être dominateur. Se joue alors le triangle de Karpman : victime, bourreau, sauveur
Solutions possibles :
La première étape consiste à rappeler que le manager n’a rien à prouver : s’il a été nommé, c’est parce qu’il est considéré comme légitime et crédible par sa direction. La posture juste consiste donc à reconnaître l’expertise de l’autre sans tomber dans la justification. Par exemple : « Patricia, je sais que tu as une connaissance fine du terrain, tu gères très bien la centrale d’achat … . C’est un plaisir de travailler avec des experts comme toi. » Cette reconnaissance évite la rivalité latente et positionne l’autre en contributeur plutôt qu’en concurrent.
Lorsque l’on sent une tension, un sabotage discret ou une confrontation passive, il est essentiel de sortir du triangle de Karpman (victime, bourreau, sauveur). Cela commence par un point individuel : faire prendre conscience de ses mécanismes et de ceux de l’autre permet de discerner ce qui se joue, plutôt que de réagir émotionnellement. Refuser d’entrer dans le jeu est essentiel. Si la personne se positionne en victime, le questionnement devient : « Quelle est ta part de responsabilité ? Quelle est ta demande ? De quoi as-tu besoin ? Qu’attends-tu de moi aujourd’hui ? ».
Si la posture est plus agressive façon « bourreau » le principe reste le même : remettre le cadre. « J’ai été nommé(e) par la direction. C’est acté. Maintenant, comment avançons-nous ensemble ? » Si la tension est trop forte ou trop fraîche, il est pertinent de différer : « Reprenons cette conversation à un autre moment, lorsque l’émotion sera redescendue. » Enfin, il peut être judicieux de verbaliser sa propre vulnérabilité : « Je suis nommé(e) manager et j’apprends aussi. Je ne suis pas là pour chambouler ta manière de travailler. L’idée, c’est que nous avancions main dans la main. »
Ces conversations ne visent ni à “gagner”, ni à imposer mais à rééquilibrer la relation, reconnaître l’expérience, sécuriser la collaboration.
J’espère que cette première chronique littéraire d’Holi RH vous a plu. Je vous donne rendez-vous le mois prochain pour découvrir un nouvel ouvrage. Et si vous avez envie d’un retour ou d’un échange autour d’un livre, ce sera avec plaisir d’en discuter.
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